Télérama: En attendant le train de l’espoir, au Mexique (Fr)
La Lechería, à Mexico : une zone où, le long des voies, transitent des migrants afin de gagner les Etats-Unis. Dans cette création sonore, Félix Blume en a capté l’atmosphère.
« Le long des rails du quartier de la Lechería à Mexico, on imagine l’avenir, on réinvente le passé », résume Félix Blume, par ailleurs preneur de son pour le cinéma. Pour prendre la mesure de ses propos, il nous reste à fermer les yeux puis à imaginer, en écoutant l’atmosphère de Fuga, une pièce sonore dépaysante diffusée sur Phaune Radio. Une immersion dans le quotidien de migrants en transit à travers les ambiances de ce carrefour de tous les possibles.
Sur quelle impulsion avez-vous capté l’ambiance de cet endroit ?
Dans la presse locale, la Lechería est décrite comme une zone de non-droit, où les gangs et la police se disputent le terrain. Un lieu peu fréquentable, où les journalistes ne sont pas les bienvenus. J’y suis donc allé la première fois avec un petit enregistreur, avisant une amie au cas où je ne donnerais pas de nouvelles. J’ai fini cette première journée sous un pont à manger avec des migrants du Salvador, et j’ai marché des kilomètres à leurs côtés.
Qui sont ces gens qui courent le long des rails ?
Ils vont vers le nord ou en reviennent. La plupart sont déjà arrivés jusqu’à la frontière des Etats-Unis sans pouvoir la traverser, d’autres se sont fait expulser. Vivre près des rails, c’est pour eux la possibilité de monter à tout moment dans un train qui les emportera ailleurs. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer un bus n’ont, hélas, pas non plus les moyens de s’offrir un « coyote » [un passeur, ndlr] pour les aider à traverser la frontière. Leur chance d’atteindre leur destination reste très limitée… Ils en sont conscients mais gardent néanmoins l’espoir d’accomplir leur rêve américain.
Vous livrez le son aux auditeurs sans explications, est-ce pour mieux les embarquer ?
Il existe énormément de manières de parler d’un sujet, la création sonore en est une que j’affectionne. Faire écouter une situation sans la contextualiser au départ, c’est stimuler la curiosité, l’envie d’en savoir plus sur les gens et les lieux cachés derrière ces sons.
Mettez-vous vos captations sonores en scène ?
J’essaye d’induire des rapports de sons, de sens, de rythme, de musicalité… jusqu’à fabriquer une pièce sonore qui tienne la route. Je suis dans un état entre l’errance et la quête, à l’encontre de ce que l’on m’a enseigné en école de cinéma : penser avant d’agir, définir les plans avant de les tourner… Car je pense qu’il faut savoir écouter pour bien enregistrer.
Par Carole Lefrançois
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